Chapitre III

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Quelle idée d’avoir quitté la berge de la rivière ! Mais tout ce que je fais ces temps est empreint d’une bonne dose d’irrésolution. Certes les berges étaient devenues abruptes et il fallait monter pour trouver un passage moins pentu. Ce n’est pas une excuse. Finalement si. J’ai bien fait car en bas la rivière s’est gonflée. Je maudis cette pluie car la seule chemise qui me reste est bonne à relaver. Il ne manquerait plus que la foudre pour mettre fin à ce début d’expédition ! Je suis déjà fatigué. Et le sommet qui exige que je rampe pour le mériter. Je crache un peu de boue. Grrr maudite planète de m… Je n’ai pas aussitôt pensé ça que je m’enfonce de vingt bons centimètres dans la boue tiède.

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Une mauvaise surprise. En respirant par le nez, je retire aussitôt toutes mes pensées coléreuses et je suis recraché tel un vieux chicot malodorant. Quand je raconterai ça à mes arrière-petits enfants, sûr qu’ils ne me croiront pas ! Finalement je me relève tout pâteux, trente kilogrammes de boue alourdissant mes mouvements. Je m’ébroue comme un cheval. La boue bleuâtre irisée de mica ou de diamants, arrose les feuilles des plantes alentour. La pluie lave rapidement le tout. Entre mon gros orteil et l’autre doigt, j’ai un rubis de coincé et ça ressaigne.

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Il n’est pas taillé et probablement sans valeur pour la bijouterie. La pluie cesse immédiatement. Le ciel devient enfin tout rose bonbon. Ca me fait penser aux dessins animés sur terre pour les grands bébés de 5 à 7 ans. Un arc en ciel qui se met à clignoter au loin me rappelle que les soleils ici n’ont pas un mouvement aussi simple que dans ma jeunesse. Une grosse fleur rouge et charnue goutte en toute innocence sur mon épaule. D’un geste vif, avant que la branche n’ait le temps de se replier je l’arrache et l’avale. Sur ma langue ses petites agitations désespérées l’obligent à libérer son parfum aphrodisiaque dont m’a si souvent parlé Xgfhhl. Je ne sais pas si c’est cet effet, -c’est trop tôt- mais devant moi le paysage se déroule majestueux. Je vois par moment entre les bouquets de la forêt dense la rivière qui ondule vers le lointain. Au loin une barrière de montagnes noires qui montre ses dents aux ciel. La route est encore longue avant la nuit. Car pendant la nuit, il ne sera pas question de dormir à même le sol. La nuit ici est extraodinairement dangereuse.

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Mes nuits dépendent de la danse d’Isabella sous mes pieds et de la cour que lui font ses soleils. Moi je dirais plutôt de ses caprices de mauvaise coucheuse. En effet, je ne me souviens pas d’une nuit qui ait duré vraiment autant qu’une autre depuis que je suis ici.

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Après une bonne heure de marche, j’ai finalement trouvé ce que je cherche sur la crête des collines : une sorte de gros cèdre aux branches bien longues et immenses. Ne me demandez pas comment je sais que la nuit vient alors qu’elle ne prévient pas : c’est comme ça. L’écorce est rugueuse, mais son contact est frais et amical. Le suc de la fleur me permet de trouver un sommeil plein de rêves inavouables et peu reposants. C’est l’une des raisons pourquoi les arbres au tempérament un peu voyeur nous laissent volontiers dormir sur leurs branches. Et qu’au matin, d’une secousse je me retrouve le nez dans l’herbe.

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Ingrat ! J’ai mal au nez, mais plus rien au pied. Pendant la nuit les colonies de bestioles d’écorce se sont occupées de ma blessure. Quel idiot ! j’aurais du essayer plus tôt. Ces bestioles vivent en grande colonies logées par les arbres moyennant un loyer en nature de nettoyage. Ce sont des grosses chenilles colorées rouges et bleues et très lentes habituellement. Elles ont aussi deux pattes et peuvent sauter à plus d’un mètre de distance quand les volatiles saisonniers font leur migrations. Une sorte de mélange entre asticot et sauterelle avec une grosse tête avec une intelligence indéniable.

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Ma vue s’est brouillée. Je ne vois plus l’humain sur sa branche. Il y était quelques minutes auparavant et voilà qu’il n’y est plus. M’a t-il vue ? Je l’ai suivi depuis qu’il a quitté mes arbres. Ceux-ci m’ont avertie que quelque chose se tramait et que notre hôte ne peut plus se contenter de vivre seul sur sa colline de pierres. Va t-il retrouver les autres bipèdes nuisibles qui se cachent au bord de l’océan ?

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En rêvant, j’ai quand même apperçu le ciel étoilé. L’atmosphère du jour est rose de la même façon qu’un soleil couchant qui n’en finit pas pas. Mais cela tient aux populations d’aéroplanctons d’altitude qui boulotent un mélange d’air assez dense composé d’azote et de phospore. Les rayons des soleils transforment le tout en roses très variables. Mais quand les nuages passent tout redevient d’un gris honnête au ras du sol, et des volatiles se nourrisent de cet aéroplancton. Mais la nuit quand il n’y a pas de nuages, le spectacle vaut le détour. Fini le rose bonbon. Il y a plein d’étoiles et de planètes visibles à l’oeil nu. Le système d’étoile double entraîne une masse gazeuse impressionnante qui reprend les couleurs du fond de l’espace et les géantes à anneaux sont visibles à l’oeil nu tant l’effet loupe est décuplé. On se sent tout petit. Quelques fois la lune d’Isabella traverse le ciel. C’est rare. Des étoiles filantes passent assez irrégulièrement pour qu’on ne les confonde pas avec des satellites ou des vaisseaux de ligne. Dans ce système tellement loin de tout, il n’y a rien. Mais je trouve cet endroit tellement magique que je n’imagine pas qu’il ne puisse rien y avoir malgré ce que m’en ont raconté ces deux idiots d’arbres. J’aurais du comprendre plus tôt que pour des arbres, un truc qui se déplace, c’est déjà idiot en soi ! Mais revenu sur terre, vêtu de boue sèche, je pense qu’il est temps de descendre à la rivière pour un lavage en règle.

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et pas une rivière de diamants